Vue globale de l’exposition Nature Sucré en duo avec Laurent Lacotte, sur une invitation d'Hélène Cheguillaume et MPvite, présentée à MEAN Saint-Nazaire, 2022.
"Nature Sucré s’inspire du yaourt adouci au sucre de canne, un genre de Madeleine de Proust industrielle qui nous replonge dans les odeurs de la cantine. Outre la contradiction d’accord par laquelle Nature devient masculin, la mise en abyme d’une série de paradoxes se lit dans le rapprochement de ces mots. Depuis longtemps, ce couple discordant m’accompagne, se rappelant à moi par intermittence. Isolément, chaque entité est douceur et quiétude. Ensemble, ils débattent de leur charge anxiogène." Hélène Cheguillaume
Totale énergie
2022, peinture aérosol sur jus de fruits, carrelage blanc, 200*200cm.
« L’énergie, c’est la guerre » Jacques Fradin, 2020, à-propos d’une archéologie de l’énergie et plus particulièrement des énergies fossiles.
« Le conflit actuel en Ukraine a depuis démontré le lien intrinsèque entre énergie fossile et énergie alimentaire, dont les cours commerciaux vont de pair.
Aujourd’hui, si ces deux industries me paraissent si liées, c’est sûrement parce qu’elles représentent toutes les deux une source d’énergie vitale, comptable en calories.
L’installation met en contact ces deux valeurs énergétiques et rend visible ce qui se trame d’ordinaire en silence au-delà de la lutte : la lente mais certaine contamination des sols et des eaux par les hydrocarbures et métaux lourds, dont les substances relâchées infusent aussi notre alimentation. » Camille Bleu-Valentin
« Totale énergie, dont le titre dérive bien sûr de l’incontournable industrie pétrolière française, agit comme une mise en abyme de tous nos polluants : Dans un bassin fait de dalles en carrelage blanc, produits issus des industries alimentaires et de tuning se meuvent et s’immobilisent.
Issue d’un protocole inconnu et d’ingrédients variés, cette palette d’un genre nouveau ne semble admettre ni frontière, ni trajectoire prédéfinie, laissant chaque coloris prendre la place qui lui revient, en écho aux propriétés qui lui sont propres.
Cette vaste peinture équivoque aux couleurs séductrices, pop et flashy, est bien issue de la nature, non par prélèvement mais plutôt en rejouant une iconographie de la pollution constatée en différents lieux : du quartier du Port autonome de Nantes Saint-Nazaire à l’étang du Bois Joalland, aux couleurs saturées et iridescentes ». Hélène Cheguillaume
La Criée,
Bacs à poissons en polystyrènes, plastique, eau, photographies disparaissantes de restes de manifestations. Dimensions variables, 2022.
« Camille Bleu-Valentin nous dévoile le résultat d’une exploration du territoire nazairien, une recherche sur son histoire et ses surfaces terrestres maritimes et fluviales.
La Criée est une installation en triptyque convoquant l’individualité industrialo-navale de Saint-Nazaire. Héritée de l’Antiquité, une vente à la criée permettait une première mise en marché des poissons, tout juste débarqués. S’effectuant dans la halle à marées, juste avant l’ouverture du marché, elle permettait aux pêcheurs et mareyeurs de négocier au son de la voix du crieur annonçant les enchères.
Aujourd’hui, on ne crie plus, l’informatique ayant pris le relais pour l’organisation des ventes.
Mais c’est la révolte des ouvriers du port industriel de Saint-Nazaire que Camille traduit par substitution analogique.
Présentés au sol, dans des baquets de poissonnier, eux-mêmes posés sur des îlots aseptisés, des motifs flottent dans l’eau, détachés de leur support. Au-delà d’un effet de magie, ces étranges paysages de nuées et d’objets séduisent. Mais la contemplation vire à l’aigreur dès lors que l’on approche de la réalité de ces clichés :
« Le 25 juin 2021, des employés de la société Cipa sous-traitants de la raffinerie Total Énergies manifestent sur le port de Saint-Nazaire afin de toucher la rémunération de leur travail. Les restes de leur colère se retrouvent dilués par la mousse anti-feu des pompiers, avant de finir à la mer, comme une bonne partie de nos déchets. Ces déchets seront ensuite
ingurgités par les poissons que nous mangerons, ravalant finalement ce que nous avons tenté de faire disparaitre ». Camille Bleu-Valentin
Voguant dans une paradoxale inertie à la surface de l’eau, ces images constats sont vouées à disparaître, par impression, sur d’autres supports ou dilution des pigments flottants. » Hélène Cheguillaume